Accident : le risque.
L’accident de Fukushima nous rappelle que le nucléaire n’est pas maîtrisable. Comme dans toute industrie, et le nucléaire n’y échappe pas, le risque zéro n’existe pas. Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’était passé. L’ASN (Agence de Sûreté Nucléaire) recense plus de 750 incidents par an en France. Il nous semble que la simple probabilité d’un nouvel accident nucléaire vraiment grave constitue à elle seule une raison très valable pour envisager enfin la sortie du nucléaire. Alors à quand la prochaine catastrophe ? Et où ? A 20 kilomètres seulement de Lyon avec la vieille et fatiguée centrale du Bugey ? A 80 kilomètres de Troyes et Paris avec la centrale de Nogent-sur-Seine ? 2 français sur 3 habitent à moins de 75 kilomètres d’une centrale nucléaire. Personne n’évoque ce scénario de l’accident nucléaire puisque la plupart des élus n’ont pas pris conscience de cette éventualité ou vivent dans le déni.
Des déchets toxiques pour l’éternité
Les déchets issus de l’industrie nucléaire représentent l’un des plus gros soucis, parce que leur existence posent un problème technique et sanitaire et instaure un profond malaise éthique. Ces déchets nucléaires sont quasi-eternels et dangereux. Dans les années 70, on nous racontait que la science allait arranger tout ça, en trouvant des solutions. On s’est donc lancé aveuglément dans la filère atomique en se détournant des solutions alternatives. Mais, hélas, le miracle scientifique n’a pas eu lieu. On s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’y a pas de solutions à la problématique des déchets nucléaires. Le volume de ces déchets toxiques s’élève à plus de 1,1 million de m3. D’ici 2030, ces stocks hautement radioactifs devraient doubler. Il faudrait donc accepter de léguer à nos enfants cette fatalité ? Accepter l’idée qu’il faut vivre avec ces dangers qu’on nous impose ?
Le véritable prix du nucléaire
Affirmer que l’électricité nucléaire française n’est pas chère comparée à celles de nos voisins européens est délirant. Le prix de l’électricité est truquée et ne tient pas compte de nombreux paramètres. Le kilowattheure pour l’Europe en moyenne est facturé 12,33 centimes d’euros. En France, on paye ce kilowattheure 9,22 centimes d’euros, soit une différence de 25% – et pas 40% comme l’affirme faussement Robert Galley dans l’édition du journal l’Est-Eclair du 19 novembre dernier. La France semble bénéficiaire mais cette comparaison ne reflète en rien la réalité. Le gouvernement n’inclut pas dans la facture les investissements colossaux de l’Etat pour relancer et maintenir sa filière de l’atome, ni le coût du démantelement des anciennes -et futures – centrales, ni le prix de surveillance et de maintenance des centres de stockage de déchets (et ce, pendant quelques milliers d’années!), ni les budgets pharaoniques de la recherche sur le nucléaire. Ce sont bien nos impôts qui nourrissent le gouffre. Contrairement aux pays européens qui ont libéralisé leur marché de l’énergie, la France décide encore de contrôler ses prix. Cette exception de réglementation tarifaire sera vouée à disparaître. De plus pour faire face au fiasco technologique de la centrale de Flamanville et aux investissements de réhabilitation des vieilles centrales existantes, EDF a déjà demandé une augmentation de 30% du prix de l’électricité! L’électricité nucléaire artificiellement compétitive va donc augmenter pour combler les coûts cachés.
Une prétendue indépendance énergétique
La France exploitait 210 mines d’uranium sur son territoire. Elles sont toutes épuisées, depuis 2001. La France importe donc 100% de ce combustible. L’uranium français provient en réalité du Niger, du Canada, de l’Australie ou encore du Kazakhstan. Sur place, AREVA fait face à l’instabilité des gouvernements, à des mouvances islamistes avec prises d’otages, à des oppositions de la population locale, et travaille avec des conditions de sécurité sur sites très discutables montrées du doigt par de nombreuses ONG, … De plus, les ressources en minerai de ces pays sont comptées puisque les réserves y sont naturellement limitées. Nous ne disposons que d’un cinquantaine d’années d’approvisionnement, tout au plus. Une fois encore, ce sont des paris sur du très court terme. L’uranium s’épuise, son coût d’extraction a donc été multiplié par dix en quelques années ! Enfin, et pour définitivement enterrer cette propagande mensongère, ajoutons que notre production nucléaire ne symbolise que 17% de notre consommation d’énergie globale. Le reste du camembert, soit 83% d’énergie restante, proviennent d’autres sources origines. L’électricité nucléaire ne fait pas encore décoller les avions, ni démarrer les automobiles que je sache. Donc, en quoi la France est-elle indépendante énergétiquement? Cette indépendance prétendue n’est qu’un mensonge.
Nucléaire : moins d’émissions de gaz à effet de serre ?
Nous vivons les premières conséquences sensibles et visibles du réchauffement climatique. Son impact progressif affecte notre agriculture, notre économie, notre patrimoine collectif… Le nucléaire est souvent défendu comme un outil de lutte contre la crise du climat… au détriment et au mépris des vraies solutions. Les défenseurs du nucléaire fondent sur cet argument : selon eux l’énergie nucléaire, contrairement à l’exploitation du charbon par exemple, n’émet pas d’émissions de gaz à effet de serre. Faut-il vraiment choisir entre la peste et le choléra ? Deuxième élément de réponse : l’idée est aussi répandue qu’elle se trouve être complètement fausse ! Selon une étude de l’AIE (l’Agence Mondiale de l’Energie), une relance mondiale de la filière nucléaire permettrait une économie de CO2 de 5% en 2050. C’est évidemment trop modeste. L’idée que le nucléaire va nous préserver du changement climatique est carrément avancée, comme si l’imaginaire abondance nucléaire allait réduire enfin notre addiction aux énergies fossiles. La réalité est tout autre, car malgré un parc de centrales ultrabondé, la France consomme plus de pétrole que l’Angleterre ou l’Allemagne. Nous dépassons même l’Italie, un pays où le nucléaire est absent. Par ailleurs, en hivers lors de pointes de consommation, nos réacteurs n’arrivent pas à répondre à la demande. Nous importons donc de l’électricité chez nos voisins. Sous prétexte que le nucléaire émet moins d’émissions de gaz à effet de serre, le lobby pronucléaire se donne une image de pourfendeur du changement climatique. La France, pays ultra-nucléarisé où 80% de l’électricité provient de centrales atomiques, est l’une des championnes dans la catégorie «les plus émettrices de gaz à effet de serre».
Comment fait-on pour se passer de nucléaire ?
Pour engager la sortie du nucléaire il faut combiner trois choses : la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables.
La sobriété énergétique consiste à réduire les gaspillages par des comportements rationnels et par des choix individuels et sociétaux. Par exemple, profiter au maximum de la lumière naturelle pour s’éclairer, bien régler la température du chauffage… Cette sobriété est en quelque sorte la totale opposition de notre ébriété énergétique actuelle.
L’efficacité énergétique vise à réduire les pertes énergétiques. Il est possible de réduire d’un facteur 2 à 5 nos consommations d’énergie et de matières premières, en luttant contre la précarité énergétique, en améliorant nos bâtiments, en améliorant encore nos moyens de transport et nos appareils à l’aide de techniques déjà largement éprouvées. Dans le scénario de l’après nucléaire, il n’est pas question de rendre kilowattheure par kilowattheure.
Enfin les énergies renouvelables sont par définition inépuisables. Elles sont les seules qui permettent de répondre à nos besoins en énergie sans épuiser notre planète. Il faut combiner différentes énergies renouvelables comme le photovoltaïque, l’éolien, l’hydraulique, la méthanisation, la géothermie ou encore la biomasse… C’est ce que les écologistes appellent le bouquet énergétique. Les progrès constatés sur les nouvelles éoliennes et les espoirs confirmés de l’éolien off-shore, permettent d’envisager des performances énergétiques prometteuses.
Engager la transformation écologique en s’attaquant à la précarité énergétique des foyers permettrait l’arrêt de plusieurs réacteurs. A quand l’abandon du chauffage électrique qui représente à eux-seuls 10 réacteurs en France ? La mise en oeuvre d’une vraie politique basée sur le recours aux énergies renouvelables et à l’économie énergétique pourrait entraîner la création de centaines de milliers d’emplois.
Nous voulons un débat
Depuis des années, les écologistes prônent le principe de précaution à propos du nucléaire et déplorent l’absence de débat. L’accident à Fukushima nous rappelle que le nucléaire n’est pas maîtrisable. Nous réclamons en France la sortie du nucléaire et la «transition écologique» vers d’autres sources de production d’énergie. Nous appelons à un véritable débat national sur l’énergie. Le nucléaire ne peut pas se soustraire à la démocratie!
Maxime Beaulieu / Porte-Parole
pour le Bureau Europe Ecologie/Les Verts Comité Grand-Troyes