Aube : que faire de nos déchets ?

En France, chacun de nous pèse 373 kilos en déchets par an. En 1960, nous en étions « seulement » à 180 ! Selon l’Ademe, nous avions même tristement battus notre record en 2006 avec 396 kg/hab/an ! Comment/pourquoi une hausse aussi spectaculaire ?

Dès les années 80, l’hyperconsommation n’a cessé de faire grossir nos poubelles ; cartons d’emballage, films plastiques, polystyrène, restauration rapide (avec ses produits pré-emballés, pré-pesés, pré-calibrés…).

Alors que faire ? Faut-il continuer à creuser des grands trous pour continuer à glisser la poussière sous le tapis ? Faut-il financer de très coûteux incinérateurs pour brûler nos ordures ménagères ? Y’a t’il des alternatives ?

 

NOS DÉCHETS : UN COÛT POUR TOUS

Nos déchets, bien encombrants, représentent un véritable sac de noeud : les tonnages à gérer par les collectivités sont de plus en plus importants, les élus locaux ont l’impression de subir la situation dans un contexte où la législation devient de plus en plus complexe et leurs administrés – les citoyens – se sentent souvent peu concernés par le devenir de leurs ordures et supportent mal les augmentations de tarif (surtout lorsque celles-ci ne sont pas suffisamment expliquées). Par contre un consensus existe ; personne ne veut près de chez soi un incinérateur ou une décharge (aussi appelée pudiquement «centre d’enfouissement technique»).

Ces montagnes d’ordures ménagères ont un coût pour les collectivités en charge de leur élimination. Il faut collecter, stocker, incinérer ou enfouir ou recycler. La dépense de gestion des déchets municipaux s’élève actuellement à 8 milliards d’euros/an. Avec un coût moyen de 91 euros/hab/an (dont 50 euros pour les ordures ménagères), les dépenses de traitement et d’élimination des déchets grèvent les finances des collectivités locales. D’autant plus que le «coût aidé» par les habitants (c’est à dire financé par les taxes et redevances qu’ils payent) ne représente que le tiers des dépenses des communes.

 

UNE GESTION DES DÉCHETS DIFFÉRENCIÉE

La gestion des déchets ne dispose pas de solution unique et universelle : elle passe par la complémentarité et l’adaptation au contexte local. C’est un problème de mode de vie et de choix de consommation. La gestion de ces produits, et des déchets qu’ils risquent de devenir, doit intégrer de façon concomitante une large gamme de préoccupations environnementales, sociales et économiques.

• Développer le soutien aux créations de ressourceries, recycleries et toute initiative visant à économiser les ressources.

• Encourager les pratiques vertueuses en développant un réseau d’ambassadeurs du tri, rémunérés, actifs dans les communes, les déchetteries…

• Développer le tri à la source en proposant des informations plus claires et en fournissant plus de bacs individuels de points de compostage en jardins publics, écoles ou immeubles.

• Soutenir l’implantation de poulaillers individuels ou collectifs qui permettent une baisse de 35 % de collecte d’ordures ménagères.

 

UNE PROPOSITION PHARE : LA REDEVANCE INCITATIVE

Certaines collectivités, comme Besançon, tentent d’inverser la tendance en misant sur la responsabilité financière des foyers et expérimentent la redevance incitative.

Le cas de Besançon : dès les premières années, les résultats sont rapides et probants : le simple effet d’annonce, en 2008, juste avant la mise en oeuvre, provoque déjà une baisse de 5 à 7% des déchets ménagers, suivi par une baisse de 30% les deux premières années et de 10 à 15% par an les années suivantes. Depuis la mise en oeuvre de cette politique incitative, le volume des ordures ménagères résiduelles du Grand Besançon a baissé de 27%. La part des déchets recyclables est passée de 10 à 100% localement selon les zones, et la quantité globale de déchets est restée stable alors qu’elle augmentait partout dans l’Hexagone.
Pour les habitants, les factures liées à la gestion des déchets ont diminué de moîtié. Ils ont payé en moyenne 80 euros/an en 2012 (contre 91 euros en moyenne en France – chiffre Ademe). Les habitants des immeubles en habitat social ont même vu leur facture divisée par trois !

La redevance incitative, comment ça marche ? Les usagers paient le service d’enlévèment des ordures en fonction du poids de leur poubelle résiduelle, c’est à dire des déchets qui ne sont pas recyclés. c’est ce qu’on appelle la redevance incitative. Il s’agit en fait de payer sa facture «au réel», en fonction de sa «consommation», comme l’eau et l’électricité. Le procédé est simple : un système informatique est embarqué dans les camions, des puces électroniques sont installées sur toutes les poubelles ; à chaque levée, le bac est identifié et pesé. C’est simple… et ça marche !

 

L’IMAGINATION VERTE….

Développer la méthanisation. Environ 30 % du contenu de nos poubelles peut être méthanisé, c’est à dire valorisé en biogaz et ré-injecté dans le réseau. Le département doit investir dans cette filière industrielle en devenir, potentiellement créatrice de richesses et d’emplois, et infiniment moins dangereuse et polluante.

Mais encore ; poursuivre et amplifier les politiques de réduction des déchets et de prévention. Les marges de progression considérables en matière de tri montrent que nous pouvons faire mieux.

 

UN INCINÉRATEUR DANS L’AUBE ?

Depuis 2012, le Conseil Général avance à pas feutrés pour imposer la construction d’un incinérateur de 60 000 tonnes, vraisemblablement dans l’agglomération troyenne ou à ses abords. Rien n’est encore définitivement acté, mais pas après pas, le CG de l’Aube tente d’entériner, sans véritable débat public, une idée funeste, coûteuse, inutile et dangereuse.

Il s’agirait de brûler chaque jour, aux portes du Grand Troyes, pas moins de 160 tonnes d’ordures par jour ! Même si d’indiscutables progrès ont été faits en matière de filtres, un tel four produira de nombreux polluants. Pour reprendre les données du site de la CNIDD, pour une tonne de déchets brûlés, ce sont 6 000 m3 de fumées qui sont produites, 300 kg de machefers et 40 à 80 kg de résidus d’épuration des fumées.

Un coût économique et écologique / Un tel projet met aussi en péril tous les efforts faits pour réduire, valoriser et recycler nos déchets. Notre département produit environ 88 000 tonnes d’ordures ménagères/an. Sauf que la tendance est à la baisse. Une baisse nette, sensible et durable qui s’explique par les efforts des industriels et par un tri de plus en plus efficace. La production de déchets sera, vers 2026-2027, inférieure aux capacités de ce four. Mieux : si la mise en place de la redevance incitative donne les effets observés ailleurs, nous pourrions passer sous cette barre de 60 000 tonnes bien avant. Autrement dit, cet incinérateur sera très vite surdimensionné. Ces projections «tendancielles» dont nos élus n’ont manifestement pas voulu tenir compte pourraient avoir deux conséquences majeures : nous laisser sur les bras, à court terme, un four surdimensionné, coûteux par l’investissement initial prévu (50 à 60 millions d’euros) ; coûteux par les charges fixes liées à son fonctionnement ; coûteux, finalement, pour les contribuables qui devront compenser ces pertes inévitables. – Créer un monstre si affamé de déchets qu’il faudra le nourrir de matières recyclables. Toutes les associations environnementales, appuyées par un rapport de la cour des comptes, le disent : les incinérateurs, très souvent surdimensionnés, fonctionnent comme des « aspirateurs à ordures » et mettent à mal toutes les politiques de réduction de nos déchets.

LE SAVIEZ-VOUS? Signalons qu’en Charente-Maritime, un projet comparable a conduit 120 médecins à alerter les autorités contre les risques sanitaires, mettant notamment l’accent sur les dangers d’une exposition de longue durée : «Ces filtres diminuent le rejet de certains toxiques mais plusieurs centaines de molécules sont retrouvées dans le panache d’un incinérateur. Nous ne savons pas clairement dans ce cocktail, quelles molécules et quels mécanismes mènent aux cancers.».

EELV Aube