Le mardi 18 octobre 2011, l’Assemblée nationale a débuté l’examen du Projet de loi de finances pour 2012. François de Rugy est intervenu lors de la discussion générale et en a profité pour rappeler le bilan catastrophique du gouvernement en termes de politiques fiscales lors de ce quinquennat, dénoncant un »véritable concours Lépine de taxes nouvelles« .
F. de Rugy : discussion générale sur le Projet… par fdr_webtv
Extrait du compte-rendu officiel :
M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous examinons à partir de ce soir le dernier projet de loi de finances initial de ce quinquennat. J’insiste sur le mot « initial » car nous ne savons pas encore à combien de projets de loi de finances rectificative nous aurons droit d’ici à la fin de la session parlementaire. On peut légitimement s’interroger au vu du très grand nombre de celles-ci pour la seule année 2011, la dernière ayant été discutée ici même hier soir. La veille de l’examen du budget pour 2012, on en était donc encore à débattre d’une loi de finances rectificatives pour 2011 ! Certes, on peut considérer que cette discussion était liée à un événement extérieur puisqu’elle portait sur Dexia, mais avec les lois rectificatives précédentes, le Gouvernement a passé son temps à défaire ce qu’il avait fait auparavant.
Le « meilleur » exemple reste bien sûr le bouclier fiscal, mesure phare du début du mandat de Nicolas Sarkozy, annoncée dès juillet 2007. Le Gouvernement se sera finalement rendu compte de son erreur, erreur dans laquelle il a persisté plusieurs années. Le coût moyen de cette mesure aura été de 600 millions à 700 millions d’euros par an et en 2014, date à laquelle le bouclier fiscal sera supprimé, son coût global atteindra plus de 4,5 milliards, somme qui correspond aux économies censées avoir été réalisées en année pleine au bout de cinq ans grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
Voilà bien ce qui caractérise le bilan de ce quinquennat.
Un Président, se croyant en quelque sorte tout permis en matière fiscale, a joué aux apprentis sorciers en demandant au Parlement d’avaliser successivement la suppression de la taxe professionnelle, après avoir fait une annonce tonitruante qui n’était absolument pas préparée, et la baisse de la TVA dans la restauration, qui a conduit, en pleine période de déficit, à rayer de notre budget près de 3 milliards d’euros de recettes fiscales.
La réalité, c’est que ces erreurs ont eu des effets parfois dramatiques sur l’équilibre de nos finances publiques. Il faut rappeler quelques chiffres en cette heure de bilan du quinquennat. Lors de l’élection de Nicolas Sarkozy, la dette publique représentait 64,2 % du PIB et le déficit 2,7 % ; aujourd’hui, nous atteignons un record avec une dette publique à 83,3 % du PIB et un déficit à plus 7 %. En valeur absolue, rappelons que le déficit est actuellement évalué par vos services, monsieur le ministre, à plus de 95 milliards d’euros, ce qui laisse à penser que l’on frôlera les 100 milliards d’euros à la fin de l’année 2011.
Je sais que vous serez tenté, monsieur le ministre, de nous dire que c’est la crise qui explique cette situation. Mais – et nous devons le rappeler chaque fois que l’occasion nous en est donnée – les rapports de la Cour des comptes, institution on ne peut plus sérieuse, objective et neutre, sont très clairs : près des deux tiers du déficit sont structurels, ce qui correspond à près de cinq points de PIB, conséquence directe des politiques fiscales aussi injustes qu’inefficaces que vous avez mises en place depuis plus de quatre ans. Si nous n’avions pas eu à subir le poids extrêmement lourd de ces mesures successives, notre déficit serait passé d’ores et déjà sous la barre des 3 % de PIB.
Le schéma qui guide le Gouvernement en matière de finances est malheureusement assez simple : il annonce en grande pompe la mise en place d’une nouvelle mesure parée de toutes les qualités, censée résoudre tous les maux ; ensuite, il se rend compte, au mieux, que la mesure ne fonctionne pas ou, au pire, qu’elle aggrave la situation des finances de la France ; alors, soit il annule purement et simplement la mesure, comme ce fut le cas tardivement pour le bouclier fiscal, soit il la compense en allant en quelque sorte faire les poches des Français, ce qui est plus grave. C’est un véritable concours Lépine auquel le Gouvernement s’est livré, monsieur le ministre, pour inventer de nouvelles taxes.
On peut saluer l’imagination dont il a su faire preuve lorsqu’il s’est agi de s’attaquer avec tant de constance au porte-monnaie des classes moyennes : cela a été la taxe sur les factures de téléphone et d’internet, puis la taxe sur les contrats de complémentaire santé, deux fois alourdie, ensuite, cette incroyable invention de la hausse de la TVA sur les parcs à thème, plus récemment la taxe sur les sodas, auparavant, il y avait eu le relèvement de la redevance télévisuelle pour les personnes âgées à laquelle nous avons réussi à faire échec en révélant le projet aux Français. J’en passe et des pires.
En ce qui concerne les promesses restées sans effet, je voudrais insister sur la baisse de la TVA dans la restauration qui a créé une nouvelle niche fiscale totalement injustifiée et toujours aussi inefficace. En tout cas, ses effets bénéfiques pour l’économie n’ont toujours pas été démontrés. J’en veux pour preuve les propos que le Président de la République lui-même adressait au tenancier d’un café …
M. François Baroin, ministre. « Tenancier », non !
M. François de Rugy. …au propriétaire d’un café, si vous préférez : « vous ne devez pas vous rappeler qui vous a accordé cette mesure mais qui vous l’enlèvera ». Il n’a pas cherché à en vanter les bénéfices pour l’économie en général et le secteur en particulier, il a simplement souligné l’importance de s’en souvenir au moment des élections. Rappelons que M. Bertrand, lorsqu’il était secrétaire général de l’UMP, n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer des cartes d’adhésion de son parti à tous les cafetiers de France pour leur signifier qu’ils devaient se montrer reconnaissants et adhérer à l’UMP.
M. François Baroin, ministre. Cela a pu vous arriver !
M. François de Rugy. Non, je n’ai jamais envoyé de cartes pour pousser à adhérer à mon parti après qu’une mesure a été prise en faveur de telle ou telle catégorie ! Je trouve triste que l’on en soit arrivé à jouer avec les finances publiques en consacrant des sommes aussi considérables à satisfaire les intérêts de clientèles électorales.
L’an dernier, vous avez également voulu nous servir comme une grande mesure la prime de 1 000 euros. Puis l’on a pu constater que dans certaines grandes entreprises, cette prime se réduisait à 3,50 euros, cela a été rappelé récemment.
Nous pourrions encore évoquer l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires pour un coût de 4,5 milliards d’euros !
Plus globalement, il faut dire que vous avez accordé une attention particulière aux classes les plus privilégiées, aux plus hauts revenus, aux plus gros patrimoines. Vous avez voulu faire croire que vous reveniez sur cette politique en supprimant le bouclier fiscal mais vous avez fait un cadeau fiscal deux à trois fois plus important aux plus aisés en supprimant une grande partie de l’ISF. Pendant que vous orchestriez un faux débat autour de la taxe sur les parcs à thèmes, vous faisiez passer une mesure beaucoup plus lourde consistant en la hausse de la taxe sur les conventions d’assurance applicable aux mutuelles – j’y reviendrai par voie d’amendement pour la dénoncer encore une fois.
Bien sûr, vous essayez – séance de questions au Gouvernement après séance de questions au Gouvernement – de rejeter la responsabilité de cette situation sur d’autres, sur la crise, voire sur vos prédécesseurs – mais il faut remonter loin, maintenant, pour trouver un Gouvernement de gauche, puisque cela fait presque dix ans.
M. François Baroin, ministre. Vous aviez tapé tellement fort ! (Sourires.)
M. François de Rugy. Mais vous avez beau essayer, les Français sont écœurés de cette politique. Ils vous ont sanctionnés, d’ailleurs : vous avez perdu cinq élections intermédiaires ! Élections municipales, européennes, régionales, cantonales, sénatoriales : ces cinq défaites électorales ne vous ont pas suffi, et vous avez continué.
Je l’avais dit en 2007 : votre politique est en réalité particulièrement perverse. Vous commencez par creuser le déficit par des cadeaux fiscaux, puis vous criez au loup : il faut, dites-vous, réduire les dépenses de protection sociale, les services publics ; enfin, le bouquet final, c’est que ceux qui ont reçu les cadeaux fiscaux pourront s’enrichir encore un peu plus grâce à ces déficits, grâce à la hausse des taux d’intérêt. Nous y sommes aujourd’hui, monsieur le ministre : les agences de notation, devant lesquelles vous vous prosterniez, viennent de vous dire que la note de la France pouvait être dégradée, c’est-à-dire que les taux d’intérêt pourraient augmenter. Ce ne sera pas perdu pour tout le monde. Ce sera perdu pour le budget de l’État et pour les Français qui devront payer ; mais certains s’enrichiront encore un peu plus, ceux qui ont de gros patrimoines et dont une partie de l’immense épargne est placée en obligations d’État.
Vous auriez pu, en cinq ans, engager une réforme fiscale. Vous en aviez le temps, et vous aviez d’ailleurs fait de grandes déclarations sur ce sujet : le Président de la République serait, disait-il lui-même, un grand réformateur. Mais vous ne l’avez pas fait ; au contraire, vous avez aggravé les inégalités du système fiscal actuel.
Nous donnons, nous, rendez-vous aux Français aux élections, présidentielle puis législatives, du printemps 2012, pour leur proposer une vraie réforme fiscale, qui fusionnera l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS, et qui rétablira de la progressivité et de la justice dans notre système fiscal.
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