Coût de la sortie du nucléaire : halte à l’intoxication médiatique

Denis Baupin,

Maire adjoint de Paris chargé du développement durable, de l’environnement et du Plan climat réagit au débat sur le coût de la sortie du nucléaire : « Coût de la sortie du nucléaire : halte à l’intoxication médiatique »

Jeudi 22 Septembre 2011 – 13 H 13

Communiqué de presse du 22 septembre 2009

Sans doute soucieux de détourner l’attention du quidam des affres des affaires Bazire – Balladur – Sarkozy, un grand quotidien national publie ce matin en « une » la soi-disant information tonitruante suivante : « la facture exorbitante d’un arrêt du nucléaire » surmonté du chiffre « plus de 750 milliards d’euros ».

Et le journal de s’appuyer sur une interview du patron du CEA (A comme « atomique ») présenté d’ailleurs comme un »sage » et non un « fanatique de l’atome » (il y en aurait donc, dixit le Figaro. On attend la liste : Lauvergeon ? Besson ? Sarkozy himself ?).

En « une » toujours, on nous dit que le patron du CEA « estime que l’arrêt du nucléaire en France couterait plus de 3 fois le chiffrage de 250 milliards d’euros effectué par les allemands ». On cherchera pourtant en vain dans l’interview la moindre phrase qui étaye cette « information ». Bien au contraire, Bernard Bigot reconnaît honnêtement « Pour ce qui est de la France (…) je crois qu’à ce stade aucun chiffre ne peut raisonnablement être avancé » !

On ne saurait mieux dire. Mais d’où sort donc l’information suffisamment crédible pour que le Figaro la mette ainsi précipitamment en « une ». D’une simple règle de trois expliquée dans l’article joint à l’interview : les Allemands auraient chiffré la sortie à 250 milliards ; la France a un parc trois fois plus important que celui de l’Allemagne ; donc le coût de la sortie serait de 750 milliards en France !!!!!

Mais de qui se moque-t-on ? A qui croît-on qu’on puisse faire avaler comme des démonstrations ayant un minimum de crédibilité économique de tels calculs de coin de table ?

Indéniablement toute politique énergétique a un coût. La transition énergétique aura un coût, mais le maintien dans le nucléaire en aurait aussi, et particulièrement douloureux si on y inclue la mise à niveau de sécurité des installations suite à Fukushima, les surcoûts en croissance exponentielle des EPR, la gestion des déchets, une évaluation enfin sérieuse des coûts de démantèlement, et bien sûr, si on veut être sérieux, la prise en compte du coût de l’accident majeur ! Demandez aux japonais quel est le coût du nucléaire ! Pas sûr que leur réponse soit la même qu’avant le 11 mars dernier.

L’association Agir pour l’Environnement a d’ailleurs évalué – sur la base de calculs bien plus sérieux que les règles de trois du Figaro – que le maintien dans le nucléaire aurait un coût – hors accident majeur – de 746 milliards d’euros.

Choisir une stratégie énergétique, évaluer son coût, sont des questions sérieuses, sur lesquelles travaillent des experts depuis de nombreuses années. L’action comme l’inaction ont un coût. Mais les 250 milliards d’euros chiffrés par exemple par les experts allemands sont loin de ne comprendre que des coûts publics. De même les scénarios sur lesquels travaillent les écologistes depuis de nombreuses années – et dont le plus célèbre, le scénario Négawatt, sera rendu public dans une semaine – permettront de définir quels seront demain les coûts et les mécanismes économiques à mettre en place pour une sortie progressive du nucléaire.

Tenter de préempter le débat en affichant des chiffres sortis de nulle part n’est en rien digne d’un média qui se prétend d’information. Il confirme malgré tout que le nucléaire ne fait décidément pas bon ménage avec l’objectivité et la transparence. Gageons qu’il soit aussi le signe d’une certaine fébrilité de ses thuriféraires face à un débat d’enjeu national enfin libéré du tabou qui pesait depuis des décennies.

Denis Baupin
Maire adjoint de Paris chargé du développement durable, de l’environnement et du Plan climat
Co-responsable des négociations programmatiques avec le Parti Socialiste