Démantèlement de la banque DEXIA

Question au Premier ministre du 11 octobre 2011 :

F. de Rugy interroge le gouvernement sur le… par fdr_webtv

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la situation de Dexia. L’heure est grave et les Français sont inquiets quant à la solidité de notre système bancaire et quant aux engagements que votre Gouvernement a pris, au nom de l’État et avec l’argent public, vis-à-vis des banques.

En 2008 déjà, DEXIA avait bénéficié d’un soutien de trois milliards d’euros. Aujourd’hui, force est de constater que cela a été en pure perte.

Je souhaite donc vous poser aujourd’hui les questions précises auxquelles les Français attendent des réponses précises, au regard de la gravité de la situation.

Quand allez-vous faire la transparence et dire la vérité sur la situation des banques françaises face au risque des dettes des États fragiles ? Au mois d’août dernier, il y a à peine deux mois, Dexia était considérée comme moins fragile que la BNP, la Société générale ou le Crédit agricole… Quelles garanties pouvez-vous donner aux Français afin d’éviter qu’un effet domino ne joue sur l’ensemble du système bancaire après la faillite de Dexia ? Quelles mesures allez-vous prendre pour que la Caisse des dépôts et consignations ne soit pas à son tour mise en danger ?

M. Michel Bouvard. Cela ne risque pas !

M. François de Rugy. Ce qui est en jeu, avec la Caisse des dépôts, c’est rien moins que le financement du logement social et de l’investissement public des collectivités locales, mais aussi l’épargne des Français sur le livret A.

On évoque la reprise des activités de Dexia par la Banque postale, quelles garanties pouvez-vous là aussi apporter ? Avec quel argent cela sera-t-il fait ?

Pour rassurer, il est temps de dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le Président de la République… (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. Merci !

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il faut organiser des primaires ! (Sourires.)

M. François Fillon, Premier ministre. Pardon, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les parlementaires, monsieur le député de Rugy.

Vous avez raison de le dire, il s’agit d’un sujet sérieux qui concerne d’abord des dizaines de milliers de déposants belges qui s’inquiètent – ou plutôt qui s’inquiétaient jusqu’à l’accord intervenu dimanche – pour leurs économies. C’est aussi un sujet sérieux pour un nombre important de déposants luxembourgeois puisqu’il existe une filiale luxembourgeoise qui est aussi une banque de détail. C’est enfin un sujet sérieux pour les collectivités locales, notamment de notre pays, qui ont beaucoup emprunté auprès de Dexia et qui s’inquiètent de savoir quel sera demain l’établissement financier privilégié avec lequel elles pourront continuer à financer leurs investissements.

Il faut donc résoudre les problèmes qui se posent à Dexia. Pour cela, la première chose qu’il faut éviter, ce sont les accusations portées à l’encontre des uns et des autres et je veux donc, avant de vous expliquer ce que nous allons faire avec Dexia, rafraîchir la mémoire de chacun, parce que la responsabilité de beaucoup de gouvernements est engagée dans la dérive qui est aujourd’hui celle de la banque des collectivités locales.

La création de l’ancêtre de Dexia remonte à une décision de 1987, d’un Gouvernement de droite. Mais c’est en 1991, Michel Rocard étant Premier ministre, qu’il a été décidé d’introduire cette banque sur le marché financier. C’est ensuite une décision de 1996 qui a conduit à rassembler le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de France pour créer Dexia. Mais c’est en 1999, sous le Gouvernement de Lionel Jospin, que cette banque a été mise sur le marché, à la bourse de Bruxelles et à la bourse de Paris. Enfin, c’est en 2000 qu’a été prise la décision la plus grave, celle qui a entraîné les plus graves difficultés de Dexia : l’acquisition d’un rehausseur de crédit américain. Je rappelle qu’à chacune de ces étapes, des administrateurs ont représenté l’État, ont siégé au conseil d’administration de cette banque et ont ainsi engagé la responsabilité des gouvernements. Il est donc inutile de chercher à se renvoyer la balle : tout le monde a laissé Dexia dériver et l’acte principal de privatisation a bien été la mise sur le marché des actions de la banque, en 1991.

M. Christian Bataille. N’importe quoi !

M. François Fillon, Premier ministre. Qu’allons-nous faire avec Dexia ? Nous avons négocié dimanche avec le Gouvernement belge et avec le Gouvernement luxembourgeois l’accord suivant, qui a été accepté par les actionnaires de la banque. Le Gouvernement belge va racheter, pour quatre milliards d’euros, la banque de détail belge, qui restera d’ailleurs cotée en bourse. La banque luxembourgeoise sera également rachetée, des discussions étant en cours avec plusieurs acquéreurs possibles. Les stocks de prêts aux collectivités locales, en France, seront adossés à la Caisse des dépôts et consignations, qui en aura la responsabilité et la gestion, avec un dispositif de garantie, destiné naturellement à protéger la Caisse des dépôts, qui sera soumis au Parlement dans les prochains jours. Il restera par ailleurs une banque résiduelle avec quatre-vingt-dix milliards d’engagements, qui continueront à être gérés par Dexia et qui feront l’objet d’une garantie d’emprunt qui sera attribuée pour les deux tiers par le Gouvernement belge et pour un tiers par le Gouvernement français, un chouia étant à la charge du Gouvernement Luxembourgeois, compte tenu du poids qui est le sien dans cette banque.

Enfin, nous avons décidé de créer une banque publique qui sera chargée du financement des collectivités locales. Il s’agit donc là de l’avenir. Cette banque sera adossée à la Caisse des dépôts et à la banque postale. Elle sera mise en place dans les meilleurs délais de façon à ce que les collectivités locales voient sécurisé leur accès pour le financement de leurs investissements (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.). Sans attendre cette création, nous avons décidé de mettre à la disposition des collectivités locales, d’ici la fin de l’année, trois milliards d’euros de prêts, qui seront distribués par la Caisse des dépôts et par les établissements financiers, dans les mêmes conditions que ce que nous avions fait en 2008, de façon à ce que l’accès des collectivités au crédit ne soit pas interrompu.

C’est un sujet difficile : nous sommes face à une banque qui a été mal gérée, qui est évidemment secouée par la crise financière. Nous essayons simplement d’apporter des réponses aux problèmes qui se posent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.).