Par Patricia Andriot et Christophe Dumont
Après la guerre déclarée aux « intégristes de l’écologie » (Presqu’île de Crozon, 8 juillet), après « l’environnement, ça commence à bien faire », voici Nicolas Sarkozy qui va lutter « contre la
concurrence déloyale ».. des marchés émergents ! Et à coup de productivité s’il vous plait, alors, qu’on ne vienne pas l’embête avec le bien-être animal, c’est bien beau tout ça, mais là aussi,
ça commence à bien faire. Nicolas Sarkozy choisit, comme d’habitude, et contre tout argument rationnel, la caricature grossière et la ridiculisation de ce qui le dérange : une
manière d’éviter les débats de fonds qui s’imposent
Dans un discours particulièrement populiste, Nicolas Sarkozy a invité vendredi les agriculteurs à poursuivre leurs efforts de productivité et de compétitivité face à la concurrence « déloyale » des
marchés émergents, lors de l’inauguration de « Terres à l’envers », un salon de l’agriculture en plein air à Oberhausbergen (Bas-Rhin). Comment ne pas être interpellés par de telles déclarations
dans un contexte où rapports et études, y compris issus des institutions comme le ministère de l’Agriculture, mettent en évidence la nécessité de repenser le modèle de développement agricole.
Outre les reniements récurrents et populistes, tristement habituels, et auxquels on a pourtant du mal à s’habituer, ce discours nous parait particulièrement alarmant sur la vision française au
plus niveau des perspectives pour notre agriculture !
Alors que tant au sein de la profession concernée, que chez les environnementalistes, les mentalités changent, et laissent entrevoir que la voie est celle d’une refonte du modèle agricole pour
concilier enjeux environnementaux et économiques des filières, passant par une agriculture des terroirs, de proximité, le discours de samedi laisse présager d’un nouveau retour en arrière de la
politique gouvernementale.
L’agriculture n’est pas un simple acte de production. Elle agit avec et sur le vivant végétal et animal, dépend de facteurs territoriaux, environnementaux et sociaux, et fonctionne selon les
saisons et sur des rythmes longs, tout en nécessitant des investissements importants. Voilà autant de contraintes contradictoires avec les « lois du marché ». L’agriculture assure la réalisation
d’un besoin fondamental, l’alimentation, qui ne peut décemment pas être soumis au risque de pénurie ou aux effets d’opérations de spéculations malveillantes. Pour nous, élus écologistes « de base
», une profonde transformation de la politique agricole commune doit être menée sur la base d’un nouveau pacte entre agriculture et société.
La qualité doit remplacer la quantité : circuits courts, agriculture biologique/paysanne, interdiction des OGM, protection des ressources naturelles, lutte contre les pollutions…
Les aides doivent également être conditionnées à la mise en place de pratiques et modes de production. Face à l’ampleur du réchauffement climatique, à la chute de la biodiversité et à la mise en
péril des ressources naturelles, d’autres modes de production doivent être privilégiés. L’image trop répandue des grandes plaines de monocultures céréalières exigeantes en arrosage et celle des
élevages hors sols n’est plus acceptable. Il convient d’y substituer celle d’une agriculture paysanne, locale, tendant vers l’agriculture biologique.
C’est sûr, notre combat, au Conseil Régional et comme militants ne va pas vraiment dans le sens de l’intervention prononcée samedi, et pour cause : nous nous battons, entre autres, pour une
diminution drastique des pesticides et des engrais chimiques, l’interdiction des hormones et avons fait signer par la Région Champagne-Ardenne la Charte de Florence pour protéger les paysans
contre les OGM.
Les différents scandales sanitaires de ces dernières années nous apprennent que la santé publique et la prévention doivent être au centre des préoccupations de ceux qui nous gouvernent. Les liens
établis entre cancers ou maladies chroniques et pesticides sont de plus en plus nombreux. Sans même revenir sur les drames tels que l’introduction des farines animales, la qualité de notre
alimentation joue un rôle incontestable en matière de santé publique. Face à ceux qui veulent produire tout, et à tout prix, nous tenons, nous, écologistes, à rappeler l’importance de la
saisonnalité des productions et des spécificités territoriales en terme de variétés végétales et de races animales.
Cet accompagnement vers de nouveaux modes de production servira également de base à la protection des ressources naturelles. Une attention spécifique doit être portée à la fertilité des sols, à
la lutte contre leur érosion et leur pollution. Notre terre, mais aussi notre eau (y compris les nappes phréatiques) et notre air sont en effet directement impactés par un productivisme forcené.
Face à ceux qui veulent soutenir les exploitations qui produisent le plus, nous préférons soutenir les modes de production agro-écologiques respectueux de l’environnement.
Les mobilisations citoyennes afin de renforcer l’agriculture paysanne et familiale montrent combien la réforme du modèle agricole européen est souhaitée par une immense majorité de la population.
L’agriculture ne doit plus être un sujet de préoccupation accaparé par les lobbys agroindustriels, il s’agit d’un enjeu central qui doit être négocié par l’ensemble des acteurs impliqués.