Cécile Duflot, Secrétaire nationale
Chers amis, chères amies,
Le Conseil fédéral a voté ce week-end un accord de mandature avec le Parti socialiste qui porte à la fois sur les questions programmatiques et électorales.
Nos négociateurs et négociatrices, qui représentaient la diversité du mouvement, sont partis du mandat donné par l’Assemblée fédérale de La Rochelle. Dans cette motion, nous avions acté le choix de présenter un-e candidat-e à l’élection présidentielle défendant le projet de l’écologie politique. La motion visait également à élaborer un pacte d’alternative reposant sur le principe d’autonomie contractuelle. Cette conjonction est inédite. En 1997, il y avait un accord, mais il n’y avait pas d’élection présidentielle. Ce qui n’était pas le cas en 2002 et 2007.
Le Front de gauche, malgré des sollicitations lors de nos Journées d’été et un appel public à l’occasion de la Fête de l’Humanité, n’a pas souhaité participer à ces discussions. Avec le Parti socialiste, elles ont débuté au mois de juin et se sont accentuées dès septembre, les questions électorales et programmatiques étant conduites parallèlement. L’ambition a été de mener les négociations sur l’ensemble des sujets que nous portons, la diversité et la globalité des projets écologistes et socialistes ne pouvant se résumer à quelques propositions. Six groupes de travail ont ainsi travaillé sur les questions environnementales, énergétiques, économiques, sociales, sociétales, internationales et démocratiques.
Rapidement, nous sommes arrivés à un certain nombre d’accords et de désaccords sur des sujets majeurs. Les questions du nucléaire et de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes étaient des points de clivage. Ces négociations ont également été ralenties par les débats internes aux socialistes lors de leur primaire. Certain-e-s candidat-e-s socialistes se sont ainsi prononcés pour la construction de Notre-Dame-des-Landes, d’autres contre. Sur le nucléaire, les candidat-e-s ont toutes et tous eu des positions différentes : favorable à la poursuite du programme électro-nucléaire, pour la réduction à moyen terme, pour la sortie à moyen terme voir à très long terme.
La primaire terminée, les négociations ont repris. Ces négociations ont toujours eu lieu entre partis, mais la vision présidentialiste du parti socialiste a personnalisé ces négociations, la délégation socialiste changeant à l’issue de la primaire socialiste.
Le candidat socialiste ne souhaitant pas fixer un horizon à la politique énergétique française au delà de 2025, il ne souhaitait pas inscrire la sortie programmée du nucléaire dans l’accord. Nous étions prêts à ce pas, à condition que la transition énergétique jusqu’à 2025 soit compatible avec un scénario de sortie du nucléaire. L’EPR de Flamanville est devenu rapidement un point de crispation.
François Hollande s’est néanmoins prononcé publiquement, le lundi 14 novembre pour la poursuite du chantier de Flamanville, refusant tout recul sur la question. Il semble qu’une partie de son entourage était favorable à cet accord, considérant qu’un rassemblement était un préalable pour vaincre la droite, et que d’autres y étaient opposé. Pour des raisons idéologiques, pour des raisons électorales, certains estimaient que l’on pouvait se passer de concessions aux écologistes pour gagner. L’échec de l’accord puis de la gauche en 2002 et en 2007 a montré les limites de ce raisonnement. Pour permettre une victoire de la gauche et des écologistes, et acter les multiples avancées de l’accord nous avons décidé de sortir du texte les questions de l’EPR de Flamanville et de Notre-Dame-des-Landes.
En effet, il était impossible pour nous de trouver un compromis qui aurait envisagé la poursuite des travaux. Nous avons ainsi convenu que cet accord actait une coalition de majorité parlementaire et qu’il n’était pas un accord de gouvernement. La question de la participation au gouvernement se décidera à l’issue de l’élection présidentielle et dépendra bien évidemment des débats menés lors de celle-ci.
Parallèlement les négociations électorales ont permis de réserver aux écologistes 63 circonscriptions, plus d’une trentaine étant sérieusement gagnables dont une quinzaine en cas de défaite de la gauche. Pour ce qui est des contreparties, nous présenterons ainsi des candidat-e-s écologistes dans toutes les circonscriptions, sauf celles identifiées à fort risque FN, pour éviter l’élimination du candidat de gauche ou écologiste au premier tour.
L’accord a été acté mardi à 15h30 après une rencontre entre Martine Aubry et moi-même. Cet accord a reçu l’assentiment du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Il a été soumis au vote du Bureau national. Vous avez ensuite pu suivre dans les médias, l’intervention d’Areva sur un de ses paragraphes concernant le Mox et le retraitement. Pour lutter contre cet accord, les lobbys sont en effet sortis de l’ombre. On a ainsi vu les propos scandaleusement mensongers d’Henri Proglio, président d’EDF, soulignant le million de perte d’emplois qu’entraînerait la sortie du nucléaire (quand la sortie du nucléaire a été créatrice d’emplois en Allemagne). On a vu les éléments de langage d’Areva, complaisamment répétés par des ministres UMP. On a constaté le retrait du budget publicitaire d’EDF dans la Tribune, suite à la publication d’un article sur l’abandon du projet d’EPR par l’entreprise.
Cette ambiguité sur l’intégrité du texte a provoqué chez nous une certaine stupéfaction. Nous devions résister à la provocation. Les virulentes réactions du lobby ont montré l’importance de ce texte. Cet accord trouvé était nécessaire. Il n’est ni un accord écologiste, ni un accord socialiste. C’est un compromis entre deux visions qui porte des propositions ambitieuses pour la mandature qui vient.
Il permet un tournant de la politique énergétique française, placée au coeur du débat ces derniers mois en prévoyant la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025, l’absence de construction de nouvelles centrales sur la mandature, l’abandon progressif des filières du retraitement et du MOX et est une avancée majeure pour une sortie du nucléaire. Il prévoit la révision des infrastructures de transport. Une loi d’orientation agricole refondera cette politique. La contribution climat énergie sera au coeur d’une profonde réforme fiscale. Nous avons acté le retour à la retraite à 60 ans et l’abandon de la RGPP. Sur les questions démocratiques 15 à 20% des député-e-s seront élu-e-s au scrutin proportionnel, le conseil constitutionnel sera transformé, le cumul interdit et la réforme territoriale abrogée en poursuivant la décentralisation. Nous avons inscrit le droit de vote et d’éligibilité pour tou-te-s aux élections locales et une révision des lois sur l’immigration. Les troupes seront retirés d’Afghanistan et la France portera une réforme des institutions internationales. 1% du PIB sera affecté à l’aide publique au développement. Nous soutiendrons également le saut fédéral au coeur du projet européen. L’ensemble des mesures, qui ne peuvent être résumés ici, sont inscrites dans les 23 pages de l’accord que vous pouvez consulter sur le site Internet eelv.fr
Je remercie nos négociateurs et nos négociatrices d’avoir écrit, grâce à leur travail acharné, l’accord le plus ambitieux qui n’ait jamais été soumis à notre mouvement. Il permet également à notre mouvement et à notre candidate, Eva Joly, de porter ses revendications et son projet propre lors des campagnes présidentielles et législatives.
Un accord n’est jamais une fin, mais toujours le point d’appui d’une mandature. C’est une étape supplémentaire dans la construction de l’écologie politique en France. Cette construction sera encore longue, mais pour nous toutes et tous, face à la violence des crises présentes et à venir il est urgent d’agir. Les forces conservatrices et productivistes sont nombreuses et puissantes, nous ne l’ignorons pas. Mais nous pouvons les combattre. Dans la société civile, dans l’opinion et, plus sûrement maintenant, au Parlement.
Avec l’assurance de toute mon amitié écologiste,
Cécile Duflot
Secrétaire nationale d’Europe Ecologie les Verts