Réponse d’Eva Joly à Anticor

 

Madame, Monsieur,

 

Comme vous le savez, j’ai placé ma campagne sous le signe de la République exemplaire. Cela suppose d’abord de lutter sans relâche contre toutes les atteintes à l’éthique et contre toutes les formes de corruption.

 

Pour cela, il faut que nous entrions dans une culture de la transparence qui n’existe pas en France, et qui est essentielle, par exemple, pour lutter contre les conflits d’intérêts. Je propose ainsi de rendre obligatoire la transparence des rémunérations et des déclarations d’intérêt des élus, ministres et membres de cabinet, magistrats, fonctions de direction dans l’État et les entreprises du secteur public, ainsi que des experts consultés par des organismes d’État. Je souhaite également un encadrement très strict des pratiques de lobbying (en particulier, mais pas seulement, dans les enceintes parlementaires), une plus grande transparence dans l’accès des citoyens aux données de l’action publique, un renforcement des pouvoirs de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la suppression du secret bancaire et l’interdiction d’exercice pour les banques qui ont recours aux paradis fiscaux. Dans le même ordre d’idées, je souhaite le renforcement des moyens d’évaluation et de contrôle de l’action publique, qu’il s’agisse du rôle des chambres régionales des comptes ou du rôles des groupes d’opposition dans les assemblées délibératives du Parlement ou des collectivités territoriales.

 

Pour cela, il faut en finir avec les différentes immunités dont jouissent les dirigeants. C’est ainsi que je souhaite mettre fin à l’impunité judiciaire du président de la République et supprimer le privilège de juridiction pour les ministres lorsqu’ils sont poursuivis pour des crimes ou des délits relatifs à leur fonction. Parallèlement, je souhaite établir une véritable protection des lanceurs d’alerte.

 

Pour cela, il faut enfin renforcer les sanctions liées à la corruption publique. Je propose notamment l’inéligibilité à vie pour les élus condamnés pour des délits ayant trait à l’argent public.

 

La République exemplaire que j’appelle de mes vœux n’est possible que si une véritable indépendance de la Justice est établie. Je propose que le Conseil supérieur de la magistrature soit le garant de l’indépendance des magistrats du siège et du parquet. Il fera des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de Cour d’appel et de président de Tribunal de Grande Instance. Tous les autres magistrats seront nommés sur son avis conforme. Il statuera comme conseil de discipline des magistrats. Parallèlement, je souhaite instaurer un mécanisme de « class action », c’est-à-dire la possibilité d’une action collective en Justice.

Cette République exemplaire doit être dans le même temps plus démocratique. C’est ainsi que je propose une 6ème République qui, notamment, rétablira la justesse de la représentation : scrutin proportionnel à toutes les élections, parité renforcée, reconnaissance et comptabilisation du vote blanc, et fin du cumul des mandats.Les parlementaires nationaux et européens ainsi que les présidents d’exécutifs locaux (sauf les maires des communes de moins de 3 500 habitants) ne pourront détenir qu’un seul mandat. Les membres du gouvernement devront abandonner le cas échéant leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles. A cela s’ajoutera la limitation dans le temps de l’occupation d’un mandat afin d’obliger à une véritable rotation des responsabilités. Les parlementaires et les membres des exécutifs locaux ne pourront pas exercer plus de deux mandats consécutifs.

 

En espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie d’agréer mes salutations sincères.

 

Eva Joly