Réponse d’Eva Joly au questionnaire du Comité catholique contre la faim et pour le développement

ENGAGEMENT EN FAVEUR DU PACTE POUR UNE TERRE SOLIDAIRE

 

 

Avec sa campagne en faveur d’un Pacte pour une Terre solidaire, le ccfd-terre solidaire, première ONG de développement française, veut porter dans le débat citoyen, au cœur des élections présidentielle et législatives, des enjeux de solidarité internationale qui lui semblent déterminants.

 

La lutte contre l’évasion fiscale, l’encadrement des activités des multinationales et la régulation des marchés agricoles sont autant de leviers pour juguler les crises qui sévissent dans les pays du Sud comme en France.

La refondation de la politique migratoire pour plus de justice et le choix d’une gouvernance globale et multilatérale des migrations, sont essentiels pour construire un monde de paix et de respect des droits.

 

Nous vous avons présenté les 16 propositions sur lesquelles s’appuie le Pacte pour une Terre solidaire.

 

En tant que candidat-e à l’élection présidentielle, nous attendons que vous vous exprimiez clairement sur votre engagement à porter tout ou partie de ces propositions dans votre programme, et à les mettre en œuvre si vous étiez élu-e.

 

A cette fin, vous trouverez ci-après le questionnaire que nous adressons à tous les candidats: outre votre réponse sur chacune de nos 16 propositions, nous vous proposons de vous exprimer plus largement sur les quatre thèmes de notre Pacte, et de mettre en avant votre vision et vos choix politiques.

 

Vos réponses seront intégralement rendues publiques sur le site Pacte pour une Terre solidaire: http://ccfdterresolidaire.org/pacteterresolidaire.

 

Nous vous remercions de renvoyer ce questionnaire au CCFD-terre solidaire, signé et daté du/de la candidat-e à la fin du document, avant le 2 avril.

 

Avec cette démarche citoyenne, le ccfd-terre solidaireentend contribuer au débat en tant qu’acteur de solidarité internationale dans la société civile française, et attend de notre futur-e Président-e de la République qu’il/elle porte des engagements courageux, à la hauteur des défis d’aujourd’hui et des responsabilités qu’elle doit assumer.

 

 

Avec mes salutations respectueuses,

 

Bernard Pinaud

Délégué général du ccfd-terre solidaire

 

 

En finir avec l’évasion fiscale pour apporter une réponse juste à la crise de la dette

 

Le nouveau Président devra répondre à une question cruciale : comment réduire la dette du pays pour financer des politiques publiques de qualité ? Selon les estimations, la fraude fiscale prive l’Etat de 50 milliards d’euros chaque année, dont 20 sont le seul fait de la fraude internationale, notamment celles des multinationales via les paradis fiscaux. Dans les pays du Sud, l’évasion fiscale des entreprises multinationales génère un manque à gagner pour les Etats de 125 milliards d’euros par an (soit plus que l’aide publique au développement). Les multinationales et les banques internationales sont les plus grosses utilisatrices des paradis fiscaux (environ 20% de leurs filiales). A ce jour toutes les initiatives menées n’ont pas abouti à des résultats satisfaisants. La première étape pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale est de renverser la charge de la preuve : il revient aux entreprises de démontrer qu’elles n’utilisent pas les paradis fiscaux à des fins d’évasion fiscale.

 

Si vous êtes élu(e) Président(e) de la République, vous engagez-vous à :

 

  1. Ce que l’Etat français exige la transparence financière pays par pays des entreprises multinationales bénéficiant de marchés et de garanties publics ?

 

OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

                  Comment ?

En demandant aux entreprises de publier un certain nombre d’informations pour chacun des pays dans lesquels elles opèrent, en particulier la liste des filiales, le nombre d’employés, les profits générés et les impôts versés pour décourager les pratiques de contournement de l’impôt les plus abusives.

 

Vous engagez-vous également à :

 

  1. Augmenter la part de l’aide au développement consacrée au renforcement des administrations fiscales dans les pays du Sud et accompagner la reconversion économique des paradis fiscaux ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. Exiger un échange automatique d’informations de la part des intermédiaires financiers, en demandant aux banques qui opèrent en France de dévoiler leurs relations avec des contribuables français à l’étranger ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. Actualiser la liste française des paradis fiscaux pour recenser de façon exhaustive tous les territoires opaques et insuffisamment réglementés propices au blanchiment d’argent, à la spéculation financière et à l’évasion fiscale, et inclure également les territoires liés à la France (Monaco, Andorre) et les paradis fiscaux européens ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

 

En tant que candidat-e à la présidence de la République, quelle est votre position sur cet enjeu crucial de la lutte contre l’évasion fiscale, et en particulier celle des entreprises multinationales ?

 

La lutte contre l’évasion fiscale est un combat que je mène depuis des années. C’est pour moi une priorité car l’évasion fiscale prive les pays du Sud des ressources nécessaires à leur développement et sape l’équité devant l’impôt dans les pays du Nord.

Pour lutter contre l’évasion fiscale, je soutiens des mesures fortes pour mettre fin au secret bancaire. La France doit se doter d’une législation équivalente à la loi FATCA adoptée par les Etats-Unis, qui obligera les établissements financiers opérant en France à signaler tout mouvement financier en relation avec un résident fiscal français quel que soit le lieu de réalisation de cette transaction.

Je soutiens également l’obligation pour les firmes multinationales de publier les profits et impôts payés pays par pays et à documenter leur politique de prix de transfert.

La liste française des paradis fiscaux sera revue pour intégrer l’ensemble des pays qui refusent l’échange automatique d’informations en matière fiscale. Les banques françaises auront interdiction de maintenir des activités dans ces pays sous peine de perdre leur licence bancaire.

Pour s’assurer de la mise en œuvre de ces mesures, je renforcerai les contrôles par l’embauche ou la conversion de 2000 agents publics supplémentaires affectés à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. La coopération avec les pays du Sud sera renforcée afin de donner aux administrations fiscales de ces pays les outils pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale des multinationales.

 

Instaurer la responsabilité juridique des entreprises multinationales

vis-à-vis de leurs filiales

 

Les entreprises multinationales sont des actrices majeures de la mondialisation économique. En 30 ans, leur nombre à été multiplié par 10 : les 70 000 multinationales et leurs 690 000 filiales ont un poids économique énorme et pèsent parfois plus lourd que les états des pays dans lesquels elles sont présentes. Si elles peuvent participer au développement des territoires où elles opèrent, force est de constater qu’en l’absence de règles contraignantes, elles génèrent souvent des impacts négatifs, voire porter gravement atteinte aux droits humains ou à l’environnement. Le droit des sociétés semble aujourd’hui inadapté aux réalités d’un monde sans frontières : si la filiale ou un sous-traitant d’une entreprise multinationale européenne installée en dehors des frontières européennes commet des violations des droits de l’homme ou provoque des dommages environnementaux irréversibles, la responsabilité juridique de l’entreprise mère ne peut  pas être engagée. Les populations victimes de ces « incidences négatives » dans les pays à faible respect des droits, rencontrent des difficultés souvent insurmontables dans leur quête de justice. Les Nations unies viennent d’adopter un cadre identifiant les responsabilités des Etats et des entreprises en matière de droits de l’Homme et invitent les Etats à aligner leur droit interne sur ce cadre.  Les 4 mesures que nous proposons constituent un premier pas vers la mise en œuvre en France du cadre des Nations unies.

 

Si vous êtes élu(e) Président(e) de la République, vous engagez-vous à :

 

  1. Lever la séparation juridique entre la maison-mère et ses filiales et sous-traitants en cas d’abus vis-à-vis des droits humains et de l’environnement ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

        

Comment ?

En instaurant un régime de responsabilité du fait d’autrui propre aux personnes morales contrôlantes ou dominantes.

 

Vous engagez-vous également à :

 

  1. Renforcer l’obligation de transparence des entreprises en matière d’impacts sociaux, environnementaux et de droits de l’homme ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E         

 

  1. Obliger les entreprises bénéficiaires de subventions publiques à prendre des mesures de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme en amont du financement de projet, notamment dans le cadre de projets financés par la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) et la branche financière de l’Agence Française de Développement, PROPARCO ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. Lever les obstacles procéduraux à l’accès à la justice pour les victimes de l’activité d’entreprises multinationales françaises hors d’Europe en inversant la charge de la preuve, et en introduisant dans le droit national la possibilité pour un ou plusieurs demandeurs d’intenter une action en justice au bénéfice d’un groupe de personnes (action de classe) ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

 

En tant que candidat-e à la présidence de la République, et en considérant leur poids économique et le contexte de mondialisation, quelle est votre position sur cet enjeu crucial de l’encadrement et la régulation des entreprises  multinationales?

 

J’ai consacré ma vie à lutter contre les injustices. L’impunité dont jouissent les multinationales dans certains pays du Sud est scandaleuse. Les bénéfices ne connaissent pas les frontières, les droits humains et de l’environnement ne doivent plus en connaître.

Je soutiens donc la proposition de rendre responsables les maison-mères et de leurs dirigeants des entorses aux droits humains et de l’environnement de l’ensemble de leurs filiales et principaux sous-traitants.  Pour être réellement effective, cette responsabilité étendue doit s’accompagner d’un accès facilité à la justice pour les victimes de ces abus. Je proposerai notamment que les associations représentatives puissent intenter une action en justice en France au nom des victimes de ces abus.

 

Je m’engage également à ce que le versement de subventions publiques aux projets dans les pays du Sud soit strictement conditionné au respect de standards sociaux et environnementaux minimums et à la transparence des montages et flux financiers. Je soutiendrai l’extension de cette mesure aux financements européens (BEI, BERD).

 

Je m’engage également à obliger l’ensemble des grandes entreprises à évaluer la contribution et l’impact social, sociétal et environnemental de leurs activités. Cette information devra être publique et faire l’objet d’un audit légal qui garantira la qualité des informations publiées. Les dirigeants d’entreprise seront juridiquement personnellement responsables de la sincérité des informations publiées.

 

Réguler et encadrer les marchés agricoles pour assurer la souveraineté alimentaire

 

Aujourd’hui les marchés agricoles sont devenus un terrain de jeu pour les spéculateurs. La domination des logiques de profits, la financiarisation accrue du secteur, le manque de régulation des marchés agricoles, mais aussi le détournement des cultures vers les agrocaburants, menacent les populations les plus vulnérables, au Nord comme au Sud, et la souveraineté alimentaire de pays entiers. Depuis 2000, la hausse moyenne des prix de l’alimentation au niveau mondial est de 30 %. A Chicago, première bourse d’échange de matières premières, ce sont, en produits dérivés, 46 fois la production mondiale réelle de blé et 24 fois la production mondiale réelle de maïs qui sont échangées chaque année. L’urgence à réguler est donc réelle alors que dans le monde un milliard d’êtres humains ont faim (dont 18 millions d’européens). Relever le défi de nourrir 9 milliards de personnes à l’horizon 2050 tout en préservant des emplois agricoles et une gestion durable des territoires ruraux est possible. Ce n’est qu’en mettant fin à la spéculation et en s’engageant en faveur d’une véritable régulation des marchés agricoles au bénéfice des acteurs premiers de la souveraineté alimentaire, les petits producteurs, que la France fera preuve de cohérence dans sa volonté de maîtriser l’économie et de faire face au défi alimentaire mondial.

 

Si vous êtes élu(e) Président(e) de la République, vous engagez-vous à :

 

  1. Lutter contre la spéculation sur les marchés des matières premières agricoles. C’est à dire encadrer et réguler les pratiques financières qui mettent en péril la stabilité des prix, assurent des bénéfices considérables à des investisseurs qui spéculent contre l’intérêt des producteurs et précarisent l’accès à l’alimentation des plus pauvres ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

         Comment ?

En interdisant à tout investisseur hors secteur agricole (notamment les fonds de pensions ou les compagnies d’assurances) d’intervenir sur les marchés à terme de matières premières agricoles, et en renforçant les pouvoirs des autorités des marchés afin qu’elles puissent agir sur toute situation entraînant un fort déséquilibre des cours.

 

Parmi nos autres demandes, vous engagez-vous à :

 

  1. Mettre en place des stocks de régulation régionaux et internationaux, seuls à même de temporiser les fortes hausses ou baisses de prix par introduction sur les marchés ou stockage de denrées ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. Rendre transparentes les informations relatives à la production et aux stocks, y compris pour les agro-industriels et le secteur agroalimentaire ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. 12.  Stopper l’incitation à la production d’agrocarburants dans les pays en développement, en imposant un moratoire européen sur les importations d’agrocarburants de ces pays, ce qui exige d’abandonner le calendrier européen qui prévoit l’incorporation de 20 % d’agrocarburants dans le secteur des transports d’ici 2020 ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

En tant que candidat-e à la présidence de la République, quelle est votre position sur la régulation des marchés agricoles et la défense des agricultures paysannes ?

 

La spéculation sur les marchés agricoles, qui plonge des millions de personnes dans la famine est révoltante. Je défends un encadrement très strict de ces marchés.

Je soutiens donc l’introduction des limites de position sur les marchés de matières premières agricoles pour les remettre au service des producteurs et des consommateurs. Je propose également d’interdire l’ensemble des produits financiers (ETF, fonds d’investissements) qui permettent de spéculer sur l’évolution des prix des matières premières agricoles. La volatilité des marchés agricoles doit aussi être combattue en améliorant la transparence sur le niveau des stocks. Je me battrai en Europe et au G20 pour renforcer et étendre le système d’information sur les marchés agricoles (AMIS).

Je soutiens aussi la création de stocks agricoles publics régionaux et mondiaux. Ces stocks permettront d’éviter les crises alimentaires et de limiter les fluctuations de prix en augmentant l’offre dans les périodes de tension sur les prix.

Enfin, je m’engage à porter au G20 et à l’OMC le droit inaliénable des peuples à la souveraineté alimentaire car les pays qui souffrent le plus des fluctuations des prix agricoles sont aujourd’hui ceux dépendent du négoce agricole international pour leur approvisionnement. Les Etats du Sud doivent pouvoir protéger leur agriculture du « dumping » à l’export de nombreux pays industrialisés et émergents pour développer l’agriculture paysanne. Je m’engage également à interdire l’importation d’agro-carburants dont la production mobilise des surfaces agricoles aux dépens des cultures vivrières.

 

 

Respecter les droits des migrants

 

En promouvant « l’immigration choisie » la France privilégie depuis quelques années une politique sécuritaire et utilitariste censée empêcher et prévenir à la source les flux migratoires. Cette approche, qui ne respecte pas les droits fondamentaux des individus et ne relève pas les défis posés par les migrations, s’incarne dans des accords de gestion concertée qui externalisent la gestion des migrations et instrumentalisent l’aide au développement. De plus, en créant de vifs contentieux avec les pays du Sud, ces accords nuisent à l’image de la France dans le monde. A l’heure où les problématiques sont de plus en plus régionales, où les espaces de concertation au plan économique et politique se construisent et se développent, il semble tout à fait inadapté de la part de la France de privilégier ce type d’accords bilatéraux. Il est nécessaire de renouveler l’approche politique des migrations internationales en la basant sur le respect des droits fondamentaux et en promouvant une gouvernance globale multilatérales de ces questions. La Convention des Nations Unies pour la protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles, adoptée en 1990 et entrée en vigueur en 2004, est un instrument qui pose les fondements juridiques nécessaires aux politiques et aux pratiques en matière de migrations. A ce jour, seuls 45 pays l’ont signé et 14 ratifié… mais aucun pays du Nord.

 

 

Si vous êtes élu(e) Président(e) de la République, vous engagez-vous à :

 

13. Renégocier des accords de gestion concertée, sur une base juste et équitable, fondés sur le respect de droits des migrants et en les dissociant de la politique d’aide au développement ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

Comment ?

En abrogeant les accords existants et en soutenant de nouveaux accords, négociés de manière transparente et fruits d’une véritable concertation (avec les acteurs de la société civile, les partenaires sociaux, les migrants), qui prennent en compte les intérêts fondamentaux des pays d’origine et qui cessent de subordonner le volet développement à la collaboration des pays à lutter contre l’émigration.

 

 

Vous engagez-vous par ailleurs à :

 

  1. 13.  Encourager la construction d’accords multilatéraux, appuyés sur les structures régionales (Union Européenne, CEDEAO, CEMAC, etc.) ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

  1. 14.  Engager le processus afin que la France ratifie la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A DEFENDRE CETTE MESURE SI JE SUIS ELU-E

 

16. Porter une action en faveur de la signature de la Convention par les autres pays européens ?

 

                  OUI JE M’ENGAGE A PORTER CETTE INITIATIVE SI JE SUIS ELU-E

 

 

 

En tant que candidat-e à la présidence de la République, quelle politique migratoire comptez-vous porter au niveau Français et Européen, et dans quelle mesure implique-t-elle la révision des politiques en cours ?

 

L’Union européenne et la France mettent en œuvre un politique migratoire sécuritaire qui exalte le repli sur soi et incite à la xénophobie : la législation française actuelle, fréquemment remaniée au gré des faits divers et des variations des sondages, en est une caricature ; la fermeture unilatérale des frontières par certains Etats-membres de l’espace Schengen au moment du printemps arabe en est une autre, particulièrement glaçante. A cette approche réactionnaire, j’oppose une vision ouverte, solidaire et responsable, inscrivant la mobilité dans une démarche globale de lutte contre les inégalités et favorisant le développement humain. C’est d’ailleurs l’approche prônée en 2009 par le rapport sur le développement humain du PNUD intitulé «Lever les barrières». Il s’agit de redéployer les moyens colossaux consacrés à la répression des migrants, leur enfermement et leur expulsion vers une politique de mobilité juste, ambitieuse et ancrée dans une perspective de long terme pour favoriser le vivre ensemble. Il s’agit également de promouvoir un codéveloppement véritable, basé sur des principes neufs, pour faire du droit à la mobilité la grande conquête du XXIe siècle : plus les droits des migrants sont garantis, plus les bénéfices réciproques pour le migrant, les pays d’accueil et d’origine sont importants. Le travail à abattre est immense, mais nous nous devons de faire avancer la France afin qu’elle redevienne ouverte et tolérante.

 

Concernant tout d’abord votre proposition sur les accords de gestion des flux migratoires, j’ai la chance d’occuper le poste de Présidente de la Commission du développement au Parlement européen et d’avoir pu y étudier la mise en place de nos accords commerciaux et de développement avec des pays moins avantagés, surtout des pays africains. Revendiquer moins de migrations tout en poursuivant des relations déséquilibrées avec les pays en développement est d’une hypocrisie sans nom  ; il faut que cela cesse  ! Mais je ne parle pas uniquement des accords de gestion des migrations  : les politiques que nous menons en termes agricoles, industriels, de gouvernance mondiale ou de propriété intellectuelle ont des impacts qui sont également considérables sur les populations des pays en développement. L’Union européenne appelle ceci «  la cohérence des politiques pour le développement  ». Il est urgent de faire en sorte que toutes les politiques menées par la France comme par l’Union européenne intègrent des considérations liées aux conditions de vie des populations des pays partenaires. Je relancerai, au niveau européen, le débat sur la directive retour et sur le rôle de Frontex qui ne peut rester le bras armé de l’Union européenne, notamment dans la zone méditerranéenne. J’aimerais faire de Frontex une agence de protection des droits des migrants lorsqu’ils traversent les frontières malheureusement aidés par des trafiquants aux méthodes barbares.

Ma priorité est également d’en finir avec toute pénalisation de l’immigration. Aussi, en tant que Présidente de la République, j’entends mener en urgence la dépénalisation du séjour irrégulier. Il faut fermer les centres de rétention  : il est inadmissible qu’au XXIe siècle, nous enfermions des gens qui ont commis pour seul «crime» de traverser des frontières. Cela ne pourra se faire qu’à terme, mais il est essentiel d’avancer dans cette direction.

 

Enfin, l’un de mes premiers gestes de présidente de la République sera de ratifier les traités internationaux liés aux droits humains et à l’environnement qui ne l’ont pas encore été. Je pense notamment à la Convention internationale sur les droits des migrants : il nous faut reconnaître l’égalité des droits aux étrangers qui viennent enrichir notre territoire, économiquement, démographiquement et culturellement. L’amélioration des droits des plus faibles a toujours, dans l’histoire, entraîné l’amélioration des droits de tous. La France doit comprendre qu’au jeu de la mondialisation, elle a plus à gagner de sa diversité que du repli sur soi.

 

Il nous faut parvenir à l’égalité des droits de tous et toutes les habitants du même territoire, rendre accessible tous nos droits à ces étrangers qui viennent enrichir notre territoire, économiquement, démographiquement et culturellement. L’amélioration des droits des plus faibles a toujours, dans l’histoire, entraîné l’amélioration des droits de tous. La France doit comprendre qu’au jeu de la mondialisation, elle a plus à gagner de sa diversité que d’un repli sur soi.