Communiqué du 2 août 2012
Les écologistes partagent l’émotion suscitée par le drame qui s’est noué à l’île de La Réunion la semaine dernière, avec la mort d’un jeune homme agressé par un requin bouledogue. Cependant, après la cacophonie teintée de populisme orchestrée par le député-maire de Saint-Leu, ils affirment qu’il faut raison garder et prendre le recul nécessaire pour analyser la situation.
L’action du ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, pour provoquer le retrait de l’arrêté pris par le député-maire de Saint-Leu, autorisant la chasse sauvage au requin bouledogue, pourrait sembler a priori satisfaisante. Il n’empêche que l’argument du ministre repose uniquement sur l’illégalité de l’arrêté municipal. Sa prise de position en faveur de la reprise de fait de la pêche aux requins, qui plus est dans la Réserve Marine Nationale, nous interpelle, d’autant que cela se matérialisera concrètement par une aide de l’État aux collectivités qui subventionneraient les pêcheurs « au kilo de viande de requin ramené ».
Il n’existe en effet aucune donnée scientifique permettant d’incriminer la Réserve Marine dans la recrudescence des attaques de requins. De même que nul ne peut affirmer que des prélèvements massifs de requins apporteraient un surcroit durable de sécurité.
L’idée du prélèvement de requins peut paraître séduisante… Mais elle obéit à un raisonnement simpliste qui équivaut à avancer à l’aveuglette, hors toute connaissance scientifique et comportement rationnel. Rien n’assure en effet qu’en éliminant des requins potentiellement dangereux, on gagnerait en sécurité : les individus prélevés seront-ils à coup sûr les spécimens dangereux ? À partir de quel tableau de chasse pourra-t-on proclamer que la sécurité est revenue ? Qui prendra le risque de l’affirmer et de renvoyer tout le monde à l’eau ?
Un tel appel à la chasse sans limite n’aurait qu’un résultat assuré : mettre un peu plus en péril une espèce, reconnue comme régulatrice de la vie sous-marine, dont l’équilibre est en danger à l’échelle de la planète en raison des pêches industrielles dont il fait l’objet et qui le privent de nourriture.
Enfin, faut-il rappeler que les enjeux de la Réserve Marine ne se limitent pas à la protection des poissons ? C’est l’ensemble du récif, et la santé des coraux en particulier, qui sont en question et au-delà l’équilibre d’un système complexe qui protège les côtes de l’Ouest. Ainsi, les observateurs s’accordent pour noter que la légère amélioration de l’état du récif, obtenue grâce à la Réserve Marine, est loin d’avoir produit des effets miraculeux. Il n’y a pas d’effet « garde-manger » qui expliquerait une présence accrue de requins bouledogues. Mieux encore, il semblerait que dans un récif de qualité optimale, ce sont d’autres types de requins, non dangereux, qui seraient observés, alors que le requin bouledogue aime les environnements dégradés et les eaux de mauvaise qualité.
Toutes ces questions ne pourront trouver de réponses, sans un éclairage scientifique à la hauteur des enjeux. Nous sommes dans le temps des études, et malgré la tragédie de la semaine passée, sachons raison garder. Il est irresponsable d’entretenir l’illusion qu’il existe des solutions faciles et rapides.
Pour toutes ces raisons, EELV demande :
– qu’aucune décision irrévocable ne soit prise avant d’avoir synthétisé les résultats des analyses et prélèvements faits par les chercheurs sur les requins,
– que l’État respecte la législation européenne et les enjeux de la pêche durable,
– que le ministre de l’Outre-Mer sollicite la commission du développement durable du Parlement pour approfondir le sujet avant toute décision.
Bien évidemment, tout ceci n’empêche en rien un investissement immédiat de l’État et des collectivités pour la sécurisation des activités nautiques sur le littoral ouest réunionnais, en même temps que des actions vigoureuses de prévention, notamment pour sensibiliser les surfeurs.
Jean-Philippe MAGNEN, Porte-Parole
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