Sauvons la maternité des Lilas!

Samedi 24 septembre, Eva Joly a participé à la conférence de presse organisée par le collectif Maternité des Lilas et à la manifestation qui a suivi. L’objet de cette mobilisation : l’autorisation de la reconstruction de la maternité et du centre IVG dans des locaux plus grands, et plus adaptés sur la commune des Lilas.

Cet établissement est un symbole de la lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps, que ce soit pour accueillir leur enfant en accouchant comme elle le souhaitent, dans un cadre hospitalier où la sécurité est garantie, ou pour interrompre une grossesse non souhaitée.

Marie-Laure Brival, médecin et chef de service aux Lilas a rappelé les enjeux de la reconstruction de cette maternité, et le risque d’une fermeture de la structure si les autorisations ne sont pas accordées.
Les conséquences de cette éventuelle fermeture seraient dramatiques. Avec 1700 accouchements par an, et 1300 IVG, cet hôpital est un outil essentiel d’accompagnement des femmes, et plus globalement des parents. dans ce département précarisé, un service public de la Santé de qualité est indispensable. La population y est la plus jeune des départements français. Les logiques gouvernementales de réduction des capacités ne tiennent pas alors que les professionnels estiment que la demande est réelle, voire croissante puisque l’équipe de la Maternité estime que le passage à 2500 accouchements par an est indispensable.
« Il est insupportable pour une femme de ma génération, qui s’est battue pour ses droits, de voir que le gouvernement impose un recul du droit des femmes, en particulier à l’avortement,  sur la base de considérations financières absurdes et mensongères. Là où nous avons besoin de plus d’humanité, de plus d’accompagnement, de plus de temps, le gouvernement met en place des logiques menant à une souffrance réelle des travailleurs de la Santé, et de mauvaises conditions d’accueil pour les familles ». s’insurge Eva Joly.
« Le combat emblématique du collectif Maternité des Lilas doit être gagné. Nous les soutiendrons jusqu’au bout, pour que cette victoire soit remportée, et qu’elle soit suivie de beaucoup d’autres », poursuit l’eurodéputée.


 

 

Année de création : 1964

Situation géographique : Seine Saint Denis (93), commune des Lilas.

La Maternité des Lilas est une maternité de proximité de type I participant au service public. C’est un hôpital privé à but non lucratif géré par une association 1901. Elle assure en moyenne 1700 naissances et 1300 IVG par an. L’activité n’a cessé d’augmenter : entre 2000 et 2010 les naissances ont progressé de 29,18% et les IVG de 50%.

Depuis près de cinquante ans (47 ans) la Maternité des Lilas accompagne des milliers de parents issus majoritairement de Seine Saint Denis et de Paris mais aussi  d’autres départements d’IDF et hors IDF.

La Maternité emploie aujourd’hui une centaine de salariés, dont huit médecins, quinze sages-femmes et trois anesthésistes.

La Maternité des Lilas est connue dans toute la France pour ses combats en faveur d’une naissance sans violence (méthode Le Boyer) mais également pour son engagement pour la libéralisation de la contraception et de l’avortement.

L’histoire de la maternité est étroitement liée aux pionniers de l’accouchement sans douleur, à une époque où la péridurale n’existait pas. Cette méthode revenait alors à enseigner aux futures mamans le processus physiologique de l’accouchement, de façon à éviter les paniques au moment M et à leur faire bénéficier d’une véritable préparation physique. Les Lilas ont pris part à toutes les luttes pour le droit des femmes à disposer de leur corps. C’est la deuxième maternité du territoire, avec 1600 naissances par an ; la première par son nombre d’IVG, ce à quoi il faut ajouter les activités de stérilisation et de reconstruction de l’hymen.

Cette maternité fait partie des rares hôpitaux qui considèrent que l’accouchement est un événement de vie avant d’être un événement médical. « Un accouchement est un acte physiologique, et non pathologique », rappelle Marie-Laure Brival. Gynécologue obstétricienne et chef de service, elle travaille aux Lilas depuis 1982. Elle est aussi porte-parole du collectif de défense de la maternité, désormais en danger. « Ici, nous nous efforçons de minimiser la médicalisation, tout en étant extrêmement vigilants sur les problèmes qu’il pourrait y avoir. » Les choix et les préférences des femmes qui viennent accoucher aux Lilas sont respectés. Elles peuvent, par exemple, se mettre accroupies au moment où le bébé arrive. Alors que dans la plupart des hôpitaux du pays elles sont tenues de rester allongées sur le dos, les pieds dans les « étriers », une posture qui facilite le travail des sages-femmes et des médecins, mais qui est des plus inconfortables.

Elles peuvent aussi choisir le moment où elles demandent une péridurale. Autre particularité de l’accompagnement singulier dans cette maternité : la place réservée aux pères. Certains, dont les enfants sont nés il y a plus de vingt ans, se souviennent avec émotion de leur « droit » de pouvoir donner le premier bain à leur petit. « Les groupes de pères, qui peuvent se réunir pour être accompagnés tout au long de la grossesse, ont souvent fait sourire, se souvient une mère. Pourtant, beaucoup d’hommes ont pris de l’assurance grâce à ces groupes. » Sans compter que les soins prodigués aux enfants par les pères sont un rouage essentiel du partage des tâches à la maison.

Autre activité de la maternité : la planification familiale, la contraception et les avortements. Là aussi, l’accompagnement se veut singulier et respectueux des choix des femmes. « Pour nous, la vie d’une femme peut être parcourue par une naissance mais aussi par une grossesse non prévue et non désirée qu’elle décide d’interrompre, décrit Marie-Laure Brival. Il n’y a pas les gentilles femmes qui auraient des enfants, et les mauvaises qui choisiraient d’avorter. »

L’introduction progressive de la tarification à l’acte (T2A), à partir de 2003, contraint le personnel à accélérer la cadence. « Quand je suis arrivée en 1982, nous faisions 950 naissances par an, se souvient Marie-Laure Brival. Nous sommes passés à 1.700 aujourd’hui, mais le personnel est à peine plus nombreux. »

Cependant, les locaux sont vétustes, les capacités d’accueil sont insuffisantes du fait de la nécessaire augmentation de l’activité dans le cadre de la T2A. Il est impératif de s’agrandir pour la survie de l’hôpital. Le projet de construction d’une nouvelle structure sur un terrain tout proche de la maternité actuelle, en cours d’élaboration depuis 2007, est actuellement finalisé. Ce projet  vital, devait permettre à l’institution de poursuivre sa mission de service public. « Nous avons décidé de construire un nouveau bâtiment, toujours aux Lilas, précise Marie-Laure Brival, pour nous permettre de passer à 2.500 naissances annuelles. »

Quatre années de travail  et près de 1,2 Millions d’euros déjà investis sur ce projet pour lequel, en 2009, toutes les autorisations avaient été obtenues.

Partenaires financiers de l’opération : Agence Régionale de l’Hospitalisation IDF (ARHIF), ministère de la santé, Mairie des Lilas, Conseil Général de Seine St Denis, Région IDF.

La conception du projet est arrivée à son aboutissement, la première pierre devant être posée en octobre 2011.

Malheureusement, le Directeur Général de l’ARS IDF (Agence Régionale de Santé IDF) M. Claude Evin, remet en cause les engagements antérieurs. Créées en 2010, les ARS sont officiellement mises en place pour décentraliser le système de santé, mais elles sont surtout très attachées à la rentabilité financière du secteur.

Le projet validé il y a à peine deux ans par les autorités compétentes dont la Ministre de la santé, auteure de la loi HPST, ne serait plus viable. L’Agence régionale de santé d’Ile-de-France a suspendu le projet depuis un an. Pas d’explication avancée par celle-ci, laissant le personnel dans le flou. « Ils m’ont juste dit de présenter un projet alternatif » Aucune variable n’a pourtant changé si ce n’est la mise en place des ARS en avril 2010 et l’aggravation de la dette publique. La remise en cause du projet de reconstruction de la Maternité des Lilas signe à court terme sa fermeture ou son inclusion dans un groupe privé, les responsables de l’ARS IDF ayant dévoilé leur véritable projet pour la maternité des Lilas : l’inclusion dans un groupe privé géré par Ramsay Santé, fond de pension australien.

Conséquences de la loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoire) : fermetures des unités de proximité, regroupement en quelques énormes pôles hospitaliers publiques et transferts au secteur privé de pans entiers du système de soins.

Depuis 1997, plus de 50 maternités ont ainsi été supprimées.

Entre 2000 et 2006, au moins 50 centres IVG ont été condamnés.

La « tarification à l’acte » modifie en profondeur les modes de financement des hôpitaux publics. La logique de moyens, qui prévalait jusqu’alors, cède la place à une logique de résultats. Objectif : réaliser des gains de productivité. Mais l’exigence de rentabilité n’est pas vraiment compatible avec les pratiques des personnels soignants.

Dans le cas de la Maternité  des Lilas le problème est particulièrement préoccupant car cette politique se joue dans un département sinistré où l’accès au soin et à la santé est particulièrement difficile pour une population précarisée. Par ailleurs la Seine St Denis est le département avec le taux de natalité le plus fort de France métropolitaine.